Mieux vaut en sourire

 

Lu dans la presse:


Samedi 2 mars 1844


— On lit dans le Siècle :

            « Il règne depuis quelques jours une épidémie sur les lièvres dans la forêt de Compiègne ; plus de deux cents ont été trouvés morts sans offrir aucune trace de blessure. Un de ces animaux, adressé par les gardiens de la forêt à M. Magendie, a été examiné ce matin par ce professeur à son cours du collège de France. L’autopsie a fait reconnaître que l’épizootie a pour caractère spécial d’altérer le sang et de déterminer vers le poumon des congestions qui amènent la mort par asphyxie. Ces lièvres sont remarquables par leur extrême maigreur.

            Nous croyons, dans l’intérêt de la salubrité, devoir donner cet avis au public. »

 

Vendredi 28 juin 1850


            Dimanche dernier, un pauvre pigeon voyageur s’était abattu sur le clocher de l’église de Saint-Jean-aux-Bois, au milieu de la forêt de Compiègne ; il vint ensuite se poser sur le toit d’une des maisons de la commune. Les habitants remarquèrent cet oiseau, différent par le plumage des autres pigeons de la localité, et on l’abattit d’un coup de fusil chargé de cendrée.

            Ce pigeon, parfaitement soigné, est déjà presque guéri de sa blessure ; sur une des plumes de son aile gauche sont inscrits en gros caractères rouges, « 15. SOCIÉTÉ D’OLNE » ; sur une plume de l’aile droite est imprimé un large cachet noir contenant des lettres visibles à la loupe, et parmi lesquelles on distingue MAT. Les personnes qui ont expédié ou qui attendent ce messager ailé pourraient seules nous expliquer le sens de la mystérieuse correspondance si singulièrement interceptée.

 

Samedi 24 octobre 1868


Dans la nuit du 20 au 21 septembre dernier, on s’introduisait dans une chambre du domicile du sieur Alexis LANGELEZ, marchand de bois à Saint-Jean, et on volait les fleurs et les rubans du bonnet de sa fille. Quel peut-être l’auteur de ce vol singulier ? C’est ce que l’on ignore.

 

Samedi 6 juillet 1878


            Il a été laissé dans un bureau de fonctionnaire de l’état, un parapluie, de couleur vert foncé.

            La personne de Saint-Jean-aux-Bois, qui a perdu cet en tout-cas est prié de s’adresser au bureau du journal.

 

Dimanche 2 février 1879


            Nous sommes menacés de voir bientôt les loups hanter notre forêt. Plusieurs de ces carnassiers ont été signalés dans la forêt de Villers Cotterêts se dirigeant vers celle de Compiègne.

            Nous apprenons que des chasses ou battues vont être organisées afin de nous débarrasser au plus tôt de ces hôtes incommodes et dont la présence dans nos contrées n’est pas très rassurante.

 

Vendredi 5 novembre 1880


       Grand émoi hier à Saint-Jean-aux-Bois et dans les environs forestiers ; les mânes de Mesmer viennent d’être encore une fois évoqués, Cagliostro et sa science viennent de s’infuser dans le cerveau d’une dormeuse spirite et l’ont mise sur les traces d’un crime.

        Jadis, on eut brûlé en place de Grève l’auteur de pareilles impostures, le san-benito eut offert un bûcher en réponse à ces bruits malsains.

    Voici ce qui se passe, la mèche est suffisamment éventée pour permettre à la justice de déjouer cette plaisante machination :

        Un sieur B… a disparu, il y a deux ans, du pays. On s’inquiète bien un peu de lui, puis, l’oubli vint bientôt effacer presque jusqu’à son souvenir.

       Grâce aux esprits frappeurs, grâce aux visions émaciées de la cornue d’un docteur Faust ou d’un Alan Kerdrec : Eurêka ! s’est écriée une brave femme d’un village voisin, venez, a-t-elle dit à tous ceux qui voulurent l’entendre — et ceux-ci sont nombreux — je vais vous mettre sur les traces d’un crime, B… est bien mort, mais mort frappé par des assassins qui, repentants de leur crime, sont venus nuitamment enlever les restes de leur victime pour les faire disparaître ; puis, ajoute la somnambule, la Providence qui ne laisse rien impuni, a permis que les meurtriers oubliassent le crâne et les chaussures du malheureux et c’est ce que ma science magnétique va vous prouver.

      Jamais l’oracle n’avait si bien parlé. Les yeux et les oreilles s’ouvraient bien grands devant la sorcière, on dut même ne pas en dormir de frayeur sous plus d’un chaume, voilà de quoi, me dit un ami, défrayer la veillée pour cet hiver.

      Trêve de plaisanteries, un groupe de noctambules s’organisa sous la conduite du Nestor du village.

         Debout, au milieu d’eux, ranimant leur courage.

        Le petit comité opéra durant quelques jours, dans un canton forestier tout près de Saint-Jean, les uns munis de cannes, sondaient le terrain, les autres posaient les pieds sur les feuilles mortes avec la même précaution que s’ils eussent marché sur un… porte-bonheur.

       Un garde forestier de l’endroit qui n’est point tout à fait de la Saint-Jean, remarqua la manœuvre, fut discret et observa. Déjà certains bruits lui étaient parvenus aux oreilles et il se promettait bien d’ouvrir l’œil.

     Ayant une fois questionné les sondeurs, ceux-ci témoignèrent un certain embarras puis, avouèrent chercher des champignons. Ils doivent être, leur objecta le garde, de l’espèce de la pierre philosophale, car vous creusez, il me semble, et les cryptogames ne sont point timides à se cacher.

     L’affaire en resta là mais, avant-hier, mercredi, la voyante fut de nouveau consultée et amenée en forêt en un endroit qu’elle indiqua et où l’on trouva, ô frayeur ! un crâne et des souliers légèrement recouverts de sable. La prophétie était accomplie, la sorcière avait dit vrai.

       Mais ce crâne examiné de près semble remonter à l’époque gallo-romaine et avoir été exhumé des ruines de Champlieu par quelque farceur voulant, sans doute, mystifier la justice. C’est ce qu’une sévère enquête va éclaircir.

        L’autorité et la gendarmerie prévenues se sont transportées hier matin à l’endroit de la découverte où les recherches ont continué. Nous dirons ce qu’elles ont amené de nouveau, peut-être bien de sévères réprimandes et plus encore aux maladroits auteurs de cette plaisanterie, qui auront à donner des explications à qui de droit.

         Quant à la sorcière, son crédit ne tardera pas à être compromis par la découverte de la vérité, espérons-le pour les bonnes âmes campagnardes.

 

Mardi 9 novembre


            À ce que nous avons raconté de la curieuse découverte faite à Saint-Jean-aux-Bois la semaine dernière, la gendarmerie, porteur d’un ordre délivré par les magistrats, s’est transportée sur l’emplacement de la découverte à deux kilomètres du carrefour du Grand Maréchal et à peu de distance  de celui du Grand Écuyer et là, a fait procéder en sa présence, à de nouvelles fouilles qui n’ont rien amené de nouveau, autre que les fragments de crâne et les vieilles semelles de bottes, dont nous avons parlé.

            Plusieurs témoins ont été interrogés sur ces faits, mais, c’est à celui qui se défendit d’avoir pris une part active à ce que nous avons appelé, sans erreur, une véritable mystification.

            Cependant, plusieurs de ces personnes ont avoué croire au spiritisme. Il paraît que cette science sinon absurde du moins amusante compte à Saint-Jean plusieurs adeptes qui donnent même chez eux des séances.

            La somnambule est une jeune fille de 10 ans, qui habite Morienval et qui se fait endormir de temps en temps pour faire de prétendues révélations auxquelles certains ont la simplicité de croire.

            Cette petite comédie est jouée maintenant, et nous pouvons sans exagération en critiquer les acteurs qui n’ont point encore été assez habiles pour tromper la justice et le personnel forestier. Il y a prudence pour eux à ne pas renouveler de pareils spectacles.

 

Jeudi 30 juillet 1885


            Les gendarmes de Pierrefonds étant, avant-hier, en tournée au village de Saint-Jean, aperçurent une échelle abandonnée sur la voie publique. Quand ils demandèrent à qui elle appartenait, la veuve Vivret se présenta, mais l’échelle ne lui fut remise qu’accompagnée d’un procès-verbal, pour abandon d’échelle sur la voie publique.

 

Jeudi 30 septembre 1886


M. Leroy, maire, assisté de la gendarmerie, a dressé procès-verbal contre le nommé Boucher Émile, tailleur de pierres, et la nommée Boitel Mathilde, femme Bouchez, inculpés d’adultère et de complicité.

 

1898


Une jolie légende sur le mois de février.

Dans sa jeunesse, Février était un grand joueur : complètement ruiné, il engagea une dernière partie avec ses deux voisins, ses partenaires habituels, Janvier et Mars ; la chance lui ayant encore été défavorable, il leur céda à chacun un de ses jours.

  

1998


Contre une tombe d’une commune des environs de Compiègne repose une couronne où s’enroule cette inscription qui fait rêver :

                                   Au plus cher des époux !

                                   Regrets momentanés

 

Mercredi 5 octobre 1898


            Un chien qui manque de flair, c’est assez rare, mais cela se voit quelque fois. Au nombre de ceux-là, le toutou d’une cultivatrice de Saint-Jean-aux-Bois n’a-t-il pas trouvé mieux, jeudi dernier, que d’aller se jeter dans les jambes des gendarmes, qu’il cherchait à mordre, au moment où ceux-ci passaient devant la maison de la cultivatrice.

            Le caniche mit un tel acharnement après eux, qu’ils eurent le temps de s’apercevoir que la bête n’avait, en guise de collier, qu’une mauvaise lanière de cuir ne portant aucune adresse.

            Cet accueil peu courtois de l’animal a valu, en échange, un procès-verbal à la propriétaire du chien récalcitrant.

 

Vendredi 27 mai 1904


            On lit dans le Courrier de l’Oise :

            Décidément, il devient de plus en plus de mode d’aller pendant la belle saison passer les jours de fête à Vaudrampont.

            Pendant les journées de dimanche, lundi et mardi, piétions, bicyclistes et promeneurs en auto et en voiture s’y étaient donné rendez-vous, les uns pour déjeuner sur l’herbe, les autres pour se rafraîchir à l’ombre des arbres séculaires.

            Que de monde pendant ces trois jours, que de joyeuses sociétés, que de gaieté dans ce riant coin de verdure.

            Et que d’excursionnistes dans les environs de ce hameau de Vaudrampont.

 

 

Dimanche 29 octobre 1905

 

            Mercredi de la semaine dernière, tandis que Mme PERDU, de La Brévière, coupait de la fougère au carrefour d’Apollon en compagnie de Mlle Augustine WARIN, un individu complètement nu et chaussée seulement de vieux souliers, apparut soudain devant elles.

            Ces dames eurent naturellement un mouvement de surprise, mais l’individu s’empressa de les rassurer en leur disant : « N’ayez pas peur ! Mettez-vous de côté, je vais m’en aller ».

Mais Mme PERDU et la jeune fille jugèrent plus prudent de regagner leur demeure.

L’homme nu continua sa route et, arrivant au hameau de Malassise, pénétra dans une grange appartenant à M. Alexandre CONTANT, adjoint au maire.

Vers cinq heures du soir, M. CONTANT, allant donner à manger à ses lapins, se trouva face à face avec cet homme, toujours aussi sommairement vêtu.

M. CONTANT commença par interroger cet individu et ne tarda pas à s’apercevoir qu’il avait devant lui un détraqué. Il lui donna quelques vêtements pour se couvrir et l’hébergea.

Il prévint ensuite les autorités et fit conduire le lendemain son hôte à Compiègne.

Au cours de divers interrogatoires qu’il a subis, on a pu savoir que cet homme se nomme BARETTE Arthur Modeste, né au Havre, le 5 février 1876. Il a déjà séjourné à la prison de Compiègne.

BARETTE a été admis à l’hôpital avant d’être interné à Clermont.

 

Mardi 25 septembre 1906


            Jeudi, un cycliste, M. H. B… de Largny, dont la machine sans freins s’était emballée, a fait une chute très grave en pleine forêt, au-dessus de Four d’en Haut.

            C’est la figure et les mains ensanglantées que ce pauvre ami de la “bécane” fit son entrée dans St Jean aux Bois.

            A “La Moussière”, but de sa promenade où il venait rendre visite à Mme et Mlle DUVAUCHEL, il reçut, non seulement bon accueil, mais encore les soins que son état réclamait.

            Fervents de la pédale qui de Morienval viendrez à St Jean aux Bois, soyez avertis qu’il ne faut jamais prendre la route forestière du Four d’en Haut, route pleine d’ornières et de pierres énormes, très dangereuse.

 

Vendredi 12 avril 1907


            Un ballon en forêt. — Mardi dernier, vers deux heures, un ballon poussé par le vent sud sud-ouest arrivait au-dessus de Saint-Jean-aux-Bois, en baissant très sensiblement. Bientôt le guide-rope traînant dans les arbres lui fit subir des oscillations inquiétantes. L’atterrissement menaçait d’être dangereux. Mais le vent, assez vif, jusque-là, s’apaisa fort heureusement. Des bûcherons parvinrent à amener dans une clairière d’environ 50 mètres carrés l’aérostat enfin dompté. Ce dernier, parti de Paris à 10 heures, était monté par trois aéronautes. Des courants opposés très violents avaient contrarié sa marche : le pilote ne disposant plus que de deux sacs de lest s’était trouvé impuissant à lui faire franchir les 10 kilomètres qui le séparaient de la plaine.

            Le dégonflement du ballon demeurait cependant difficile dans un espace aussi restreint. La nacelle fut alors déchargée de ses bagages ; les bras ne manquaient pour venir en aide aux voyageurs aériens : toute la population se trouvait réunie devant ce curieux spectacle. Sept sacs furent remplis de sable et accrochés au panier. L’aérostat prudemment guidé, puis dégagé de ses entraves, évita les chênes qui le menaçaient, et dans un bond formidable alla se perdre dans les nuages.

4 réflexions sur “Mieux vaut en sourire”

  1. Les demoiselles aperçurent  un homme nu au carrefour d’Apollon. c’est logique Non ??

    1. niddanslaverdure

      Peut-être n’était-ce pas par hasard si elles y étaient à ce carrefour.

  2. Les jeunes filles rencontrèrent un homme nu au carrefour d’Apollon. C’est logique !  Non ?

  3. Robert, Vous aurez deviné qu’ une erreur de manip à fait faire un écho à mon commentaire.

    Bon Dimanche à vous et bises à Jacqueline.

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