Dans son dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle (1856), Eugène Viollet-le-Duc, si exact dans ses relevés de l’église abbatiale, nous surprend quelque peu par celui qu’il nous donne de la porte fortifiée de l’abbaye. Il a un peu forcé sur l’aspect fortifié de l’édifice, y ajoutant même un homme en arme, le tout apparaissant comme la réplique d’un bastion militaire.
Voici ce qu’il dit de la porte de l’abbaye.
« Il existe encore une très-jolie porte fortifiée de monastère à Saint-Jean-au-Bois (forêt de Compiègne). Cette entrée, d’une dimension réduite, était munie de pontslevis et défendue par deux petites tours. Sa construction date de la seconde moitié du XVe siècle; car elle est percée de meurtrières disposées pour des arquebusiers.
Nous en donnons (fig. 50) le plan à rez-de-chaussée en A, l’élévation extérieure en B, et la coupe longitudinale en C. La poterne n’a pas plus de 0m,50 de largeur, et était munie d’un pont-levis à un seul bras. Les tabliers des deux ponts-levis entraient en feuillure et étaient défendus par des mâchicoulis. Les tours seules étaient couvertes, le dessus de la porte ne présentant qu’un chemin de ronde, comme celui des courtines ; la construction est faite en pierre et en maçonnerie de moellons. Le ponceau qui précède la porte, et qui passe sur un fossé de 12 mètres de largeur, date de la même époque. Il se compose de deux arches, la plus étroite, du côté du pont-levis, pour diminuer la poussée sur la dernière pile ».
Entre le relevé ci-dessus et la gravure ci-dessous réalisée à la même époque par Louis Sauvageot, la différence est surprenante.
L’ouvrage de Viollet-le-Duc est paru 8 ans avant le dessin de Louis Sauvageot; on peut donc penser que l’architecte a fait ses croquis une dizaine d’années auparavant. Ce n’est pas possible
qu’en si peu de temps l’allure de la vieille porte ait changé à ce point. Alors pourquoi ce délire ? De “l’eau au moulin” pour tous ceux qui accréditent l’idée que Viollet-le-Duc a prit
beaucoup de liberté avec la réalité lors de la reconstruction du chçateau de Pierrefonds.
C’est bien mon avis. D’autant que nous avons des gravures de la vieille porte réalisées vers 1830 et que celles-ci sont plus proches de celle de Sauvageot que de celle de Viollet-leDuc.