Le choix laissé aux habitants est clair : ou ils continuent de demander des indemnités auquel cas ils sont privés de pâturages, ou ils renoncent aux indemnités et ils continuent à bénéficier de cet avantage. À eux de choisir la solution qui leur soit la plus avantageuse.
Ce qui complique l’affaire, comme il est dit ci-dessus, c’est que le maire, qui se prétend propriétaire du quart des terres est pour le maintien des indemnités. À ce titre il a déjà touché des sommes confortables les années précédentes. Et comme la majorité de ses terres sont baillées, que les redevances de location lui sont normalement versées et que ce sont les fermiers qui subissent les dégâts occasionnés par le gibier, on comprend qu’il maintienne sa position.
Le 8 juillet 1826, il écrit au Conservateur :
” J’ai envoyé à Monsieur le Préfet la copie de la lettre de son Excellence que vous m’avez transmise le 24 juin dernier, pour avoir son autorisation pour convoquer le Conseil municipal et avoir son avis à ce sujet avant de répondre.
Quant à moi, Monsieur, je ne peux attendre jusque-là que la délibération soit prise et la décision de son Excellence, attendu que différentes récoltes et au fait que je suis propriétaire de près d’un quart des terrains, le gibier me fait beaucoup de tort, je ne peux renoncer aux indemnités qui sont considérables, mais je vous prie de vouloir bien nommer un commissaire pour faire les estimations des dégâts du gibier, conjointement avec celui que je nomme pour soutenir mes intérêts“.
Le 16 juillet 1826, le Conseil se réunit pour délibérer sur l’offre qui lui est faite.
Les ” membres du Conseil municipal de la commune de Saint Jean aux Bois réunis à l’effet de prendre une délibération sur la proposition que nous fait son excellence le ministre de la maison du Roi, de renoncer au droit des indemnités des dégâts pour conserver l’usage de mettre les bêtes à cornes dans la forêt.
Les susdits membres après avoir mûrement délibéré ont reconnu qu’il était plus avantageux pour tous les habitants, à l’exception de deux, de renoncer au droit de réclamer des indemnités des dégâts du gibier, à condition qu’on leur conserve l’usage d’envoyer pâturer leurs bêtes à cornes, chevaux, mulets et baudets dans la forêt, telle qu’ils en ont toujours joui et qu’on leur donnera des pâturages suffisants, qui dans le moment ne le sont pas à cause des plantations que l’administration a fait faire qui en ont retiré, qu’il leur sera donné un acte constatant cet arrangement pour être déposé aux archives de la commune à ces conditions, ils renonceront à demander des indemnités pour les dégâts du gibier.
Les sieurs Boivinet et Leduc propriétaires de terre de prés séparés des autres, le premier pour un dixième et le second pour un cinquième du territoire, se réservent le droit de demander des indemnités, attendu que les dégâts du gibier leur fait une trop grande perte, les indemnités seront constatées et estimées par des experts choisis par l’administration et les parties.
Le sieur Boivinet consentira comme les autres habitants à renoncer aux dites indemnités pour la partie seulement qui est enclavée dans les terres communes aux mêmes conditions desdits habitants“.
Cette position bloque la situation qui ne semble pas trouver d’issue.
Le Ministre secrétaire d’état à qui le Préfet a envoyé la délibé-ration du Conseil et aussi souligné le refus du maire d’accepter l’arrangement propo-sé, répond dans une lettre du 6 mars 1827 :
” Le refus exprimé par les deux princi-paux propriétaires, les sieurs Boivinet et Leduc de souscrire à cet arrangement, en ce qui les concerne, met un obstacle insurmontable à l’adoption de la mesure que j’avais offerte aux habitants de St Jean, dans des vues de conciliation.
Ce refus aurait en effet des consé-quences très fâcheu-ses pour la Couronne, à la charge de laquelle il laisserait subsister l’obligation de payer des indem-nités considérables, tandis que d’un autre côté elle se verrait privée par le parcours des bestiaux d’un très grand nombre d’individus, de l’avantage du repeuplement naturel des bois.
Je regrette beaucoup, Monsieur le Comte, que ces considérations ne me permettent pas d’accéder aux vœux de la majorité des habitants de la commune de St Jean, dont les intérêts auront aussi à souffrir de quelques résistances particulières, qu’il m’aurait été très agréable de ne point rencontrer“.
Le 12 mars suivant le Préfet écrit au Sous-Préfet lui demandant d’intervenir auprès de M. Leduc afin que lui-même et M. Boivinet reviennent sur leur position et adoptent la position de la majorité du Conseil municipal.
Rien n’y fait, le maire campe sur sa position au mépris des intérêts de ses concitoyens.
Il accepterait toutefois si le Conservateur ” lui fournissait des matériaux sur place” lui permettant de faire clore de murs ses propriétés, se chargeant lui-même de la main-d’oeuvre, ” ce qui sera encore un grand sacrifice“.
Les lettres ou portions de lettres citées proviennent soit des archives communales, soit des archives départementales 2 Op 13 761.