Les droits d’usage durant la période révolutionnaire (6)

Les accusations du garde Mariage

 

Pourtant les griefs contre le même Aubé ne manque pas, de la part notamment du garde Mariage, officiant sur le territoire de Saint-Jean. Nous publions quelques extraits de l’une de ses lettres à Bertrand, agent national, qui nous éclaire, entre autre sur la situation à Saint-Jean et aux alentours, qui somme toute ne semblait pas meilleures qu’ailleurs.

 

2-Lp-5048-Rapport-du-garde-Mariage-1.jpg« Pendant les années 90, 91, 92 (vieux style) et 93 des voix indirectes m’ont donné lieu de croire qu’il se commettaient de grands délits sur ma garde de jour et de nuit, principalement autour des extraits et ventes ; j’en ai rendu compte au citoyen de Bournouville lieutenant, qui m’a toujours répondu comme un (infoncier ?) que l’on interrompt en me chassant pour ainsi dire de sa maison, au mépris détestable d’Obé garde général qui ne me donnait que le temps de revenir chez moi, pour y prendre des nourritures, et aller pendant 24 heures d’un bout à l’autre de cette forêt, faire la guerre aux indigents, exceptés quelques uns, pour des raisons à lui comme d’un côté on n’y voit que scélératesse, et de l’autre que (béniquité ?) ou qu’insouciance.

2e

En 92 j’ai rendu compte audit Bernouville qu’un chêne vert d’environ quatre pieds de tour, sur quarante de long, était tombé dans le pré de la veuve Gilles Tourneur, habitante de cette commune, qu’il lui avait causé beaucoup de dégâts, sur quoi il m’a ordonné de le faire ranger hors dudit pré, c’est ce que je fis ; mais à l’époque des élagages, qu’elle fut ma surprise de voir François Deschamps, Pierre Deschamps, tous deux habitants de cette commune, qui en mépris du bon exemple (sous les ordres de Lavoisier) le débitaient en planches pour le compte dudit Obé ; j’en atteste mes confrères Gautier, Connétable, et tous les habitants de La Brévière ; j’en ai redu compte audit Bournouville qui m’a répondu allez vous m’étourdissez. Ce fait est sujet à visitation./.

3e

En 92, le 20 août (vieux style) environ de cinq heures du soir, triage de La Michelette avec ledit Obé parti pour aller du côté de Verberie, enfin lassé de le voir (ainsi que Bernouville) insensible aux représentations les plus intéressantes à la forêt, j’ai pris sur moi (en rétrogradant malgré ses menaces) la liberté de tenir la main, et environ les six heures et demi prochaines triage de La Brévière, j’ai trouvé (sans doute par surprise) le nommé Jean Langelé habitant de cette commune, qui venait d’abattre un chêne vert, et deux autres avant (sans doute dans mes différentes absences) de tour de chacun environ deux pieds de tour, sur trente de long, dont procès-verbal au greffe dans le délai de l’ordonnance ; sur quoi ledit Obé s’est très mal comporté envers moi, à preuve./.

4e

Suites des élagages, revenant de la soustraction à mon devoir opéré par Obé, j’ai reconnu à Malassise (mais trop tard) que l’on avait coupé des branches vertes à 20 pieds au moins de limite de propriété de Malassise ; c’est que j’ai fait observer au propriétaire, sur quoi il m’a répondu qu’effectivement il en avait été fait plus que de droit, que cela regardait Obé et Lavoisier, qu’il n’y était pour rien. Réputé de Bournonville le bénir ? j’en ai rendu compte au citoyen Estave garde marteau, qui m’a répondu que cela n’était point vrai. Sujet à visitation./.

5e

Ledit Obé s’est comporté avec indiscrétion et scélératesse à la suite de mes rapports et lettres des 16, 24, 28 pluviôse et 3 ventôse, le tout au citoyen Watelet agent national de l’administration de cette forêt, pour l’affermissement du bon ordre en icelle, à l’appui et conformément à l’arrêté merveilleux du 17 pluviôse. J’en atteste mes confrères Sintier, Gautier, Connétable, Loyauté, Cauchemé, et au nom de la vérité base infaillible de la félicité ; le nommé Langelé, officier municipal et Deschamps maire de cette commune, et Gilles Tourneur intervenant, le nommé Fillon garde intervenu dans cette affaire ( ? ) pour ( ? ) , j’en atteste la municipalité qu’elle dit l’avoir remis un rapport en conséquence./.

6e

Entendre quatre de mes confrères, Desmarest, Connétable, Laforêt, Lefèvre ; au sujet d’un délit manifeste commis au-dessus du pré d’Obé, et par les ordres d’Obé.

7e

Les réentendre ainsi que mon confrère Soré, au sujet d’un gros hêtre vert, coupé en délit manifeste, commis au-dessus du pré du sieur Leduc, sans doute Bertrand, par son ordre illégaux (peut-être non illicite) dudit Leduc grand ami d’Estave et d’Obé 14».

14 Archives communales de Saint-Jean-aux-Bois

 

Cette lettre sera discutée par le conseil de district dans sa séance du 23 prairial an III (jeudi 11 juin 1795), qui n’en apprécie pas les accusations portées contre Aubé et en tirera les conclusions suivantes :

 

2-Lp-5008-Aube-.jpg« Vu les différentes dénonciations faites contre le citoyen Aubé, garde général de la forêt, par les citoyens Mariage, Conné-table et Lefebvre, trois gardes de ladite forêt, adressée au comité de surveillance et révolu-tionnaire et par lui envoyé à l’administration du district pour y être statué ce qu’il appartiendra,

         Vu les renseigne-ments pris à cet effet, par les administrateurs provi-soires de la forêt de Compiègne, et leur avis sur chaque objet en particulier,

         Considérant que la plupart des faits allégués et avancés par les dénonciateurs ne sont que des calomnies sans fondement ; que les citoyens Connétable, Lefebvre et Mariage n’ont rapporté d’anciens faits sur lesquels a déjà été statué, que pour jeter du ridicule et de l’odieux sur le citoyen Aubé leur supérieur dont la surveillance trop active peut les importuner,

         Considérant enfin que le citoyen Aubé a toujours rempli ses fonctions avec l’exactitude et le zèle d’un honnête citoyen attaché à son devoir,

Le comité, oui l’agent national,

         Déclare que le citoyen Aubé est reconnu innocent des exactions dont il est accusé par les citoyens Mariage, Lefebvre et Connétable, que le citoyen Aubé a toujours la confiance de l’administration et qu’il est autorisé à continuer ses fonctions et invité à les exercer avec le même zèle. Arrête que les citoyens Mariage, Connétable et Lefebvre seront mandés et qu’il leur sera enjoint d’être non seulement plus circonspects à l’avenir, mais encore d’observer la subordination de tout inférieur envers son supérieur15 ».

15 Archives départementales de l’Oise 2 Lp 5008

 à suivre…

Retour en haut