Comme nous venons de voir ce qu’il en était de l’état des bâtiments conventuels dans cette première moitié du 19e siècle, tout naturellement nous allons pouvoir nous pencher sur un épisode particulier de l’histoire de Saint Jean.
Celui qui, dans tous les récits et jusqu’au dernier en date que nous avons pu lire dans une récente revue sérieuse, est qualifié comme étant “Le passage des troupes de Turenne” en 1652.
Il semble que ce soit Carlier*, qui le premier rapporte ce fait dans son “Histoire du duché de Valois ”. (Édit 1764). Voici ce qu’il écrit page 41, tome II, livre 8e. “En cette dernière année (1652) un détachement de l’armée des Maréchaux de Turenne & de Senneterre pilla la maison & détruisit une partie des lieux réguliers, avec ce qui restait encore de l’ancien palais de Cuise”. Affirmation rapportée depuis, à quelques nuances près, et sans autres explications.
Certains pourrons me rétorquer que si le registre paroissial de Saint Jean contient de 1650 à 1660 tous les actes comme paraissant avoir été écrit en seule fois et non au fur et à mesure de leur déroulement comme cela aurait du l’être, c’est bien la preuve que les archives avaient été détruites et qu’il avait fallu les reconstituer. Auxquels je répondrai qu’il aurait fallu que le frère Duponchel, prieur et seul rédacteur de ce registre pour cette période, ait une sacrée mémoire pour reconstituer de tête 129 actes de baptêmes, mariages et décès.
Ce passage, qui se situe dans la narration que Carlier fait du départ des abbesses de Saint Jean et de l’installation des chanoines à leur place, n’est accompagné d’aucun récit ou précision qui aurait le mérite de nous éclairer.
Sans vouloir dresser ici un historique de cette période mouvementée de l’histoire de France, il est toutefois nécessaire de se replacer dans les événements qui en marquèrent notre contrée.
La période qui nous préoccupe se déroule durant la guerre civile, plus communément appelée la Fronde, sous la minorité de Louis XIV. Au commencement de l’année 1652, le duc d’Orléans et le prince de Condé se réunirent pour forcer la Reine à renvoyer le Cardinal Mazarin, qu’elle avait rappelé auprès de sa personne.
La Reine mit sur pied une armée, dont elle donna le commandement au maréchal de Turenne.
Les mécontents opposèrent au maréchal, le prince de Condé qui prit le commandement de leurs troupes. Le Prince de Condé vint camper près de Crépy. Le Maréchal de Turenne le suivait dans sa route et le pressait assez vivement. Le Prince de Condé, obligé de quitter le territoire de Crépy, alla camper vis-à-vis le château de “Béthizy”, Carlier écrit à ce sujet : “Les registres des Églises et Communautés sont semés de barbarie qui fait horreur. Les soldats ne s’en tenaient pas au pillage ; ils exerçaient avec une sorte de raffinement, des cruautés qu’on se permet rarement dans des expéditions militaires, où l’animosité et la fureur portent aux plus grands excès. Après le passage de ces troupes, le pays était rempli d’objets plus hideux les uns que les autres. À peine parcourait-on quelques parties de chemins, sans rencontrer des gens mutilés, des membres épars, des femmes coupées par quartiers, après avoir été violées ; des hommes expirants sous des ruines ; d’autres qui conservaient encore un souffle de vie dans un corps déchiré ou ensanglanté ; d’autres enfin percés de broches & de pieux aiguisés ”.
(*) CARLIER, l’historien du Valois, qui n’était ni religieux ni prêtre, bien qu’on lui donne souvent le titre d’abbé, est né à Verberie le 9 septembre 1725 et mort le 25 avril 1787 ; il fut inhumé dans cette église.